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– Accusé, levez vous !
Vertuchoux sentit ses genoux trembler. Ainsi, le moment était venu. La sentence allait être prononcée. Il saurait à quoi s’en tenir, à quoi il allait être condamné.
Pas à mort, bien sûr. On n’en était plus là. En ces années de la seconde moitié du vingt-et-unième siècle, cela faisait près de cent ans que la peine de mort avait disparu.
Mais d’autres peines avaient pris le relais : des peines de « substitution » comme on disait alors. Et ces peines nouvelles valaient bien les anciennes. La relégation à vie sur un astéroïde, c’était bien pire que la guillotine.
Vertuchoux savait bien qu’il n’était pas tiré d’affaire. Son avocat, un jeune plein de fougue mais aussi d’illusions, avait bien tenté de démontrer que les femmes qu’il avait violées l’avaient après tout bien cherché, il n’était rien moins que sûr que le jury le suive sur ce terrain. Un viol restait un viol, et ce viol, même si les mœurs étaient alors plus libres qu’elles ne l’avaient jamais été, restait un crime abominable.
Rencognée dans le siège de la « Mustang », Eliane ne disait rien. Court vêtue d’une jupe imprimée de grandes fleurs orange et d’un mince chemisier qui ne laissait rien ignorer de ses formes, elle gardait un silence boudeur, se contentant de fusiller son compagnon du regard. La ligne sombre de ses sourcils froncés n’annonçait rien de bon. Sa bouche aux lèvres pleines était pincée tandis qu’elle méditait la « vacherie » qu’elle allait pouvoir lui lancer.
Ce dernier, au visage mince et aux cheveux coupés très court, lui jetait de temps en temps un coup d’œil en coin tout en conduisant avec une prudence qui ne lui était pas habituelle.
– Ecoute, Eliane, dit-il. Nous nous connaissons depuis une semaine à peine. Nous sommes sortis trois fois ensemble. Nous avons dansé, nous nous sommes embrassés… n’est-ce pas assez pour le moment ? Tu aurais préféré que je te saute dessus, que je tente de te violer ou quoi ?…
Je ne vous ferai pas l’injure (des mains se lèvent en signe de dénégation : « non, non, ne la faites pas ») de vous rappeler à quelle époque Charles Perrault, que certains avaient surnommé avec quelque sens prémonitoire, « le grand Charles », écrivit les contes qui lui ont valu une notoriété qui ne s’est guère démentie depuis trois siècles. (Murmures approbateurs dans la salle).
En revanche, lorsque PERRAULT écrit « LE PETIT CHAPERON ROUGE » en 1697… (Une voix dans la salle : « C’était en 1695, non ? » L’orateur fronce les sourcils, tousse et reprend sa période). Le « Petit Chaperon Rouge » a été écrit en 1695 mais seulement édité en 1697. C’est la seule date qui compte puisque nous ne disposons d’aucune indication antérieure, je veux dire, relative à Perrault.
Donc, lorsque le conte fut publié, il avait déjà un passé dont certains éléments remontaient très loin dans le temps. De nombreux érudits se sont attachés à retrouver les origines exactes des contes, c’est à dire de mettre au jour les faits authentiques qui en ont été les points de départ.
Une jeune femme à l’exubérante chevelure blonde, suffisamment court vêtue pour être sexy malgré son tailleur strict en apparence, jette un coup d’œil à l’annonce, hésite un instant puis entre dans la boutique d’un pas décidé. A l’intérieur, c’est le décor habituel : un alignement impressionnant de cassettes vidéo et de DVD classés par genres et, sur des étagères, rangés comme à la parade, des gadgets sexuels, godemichés de toutes tailles et de toutes couleurs, drogues aphrodisiaques ou supposées telles, poupées gonflables serrées dans leur boîte, les visages aplatis et la bouche monstrueusement ouverte.
Derrière sa caisse, le patron semble perdu dans ses comptes et, à défaut d’autre chose, mâchonne son crayon. On entend, en arrière plan sonore, la musique d’un « peep-show » installé au fond de la boutique.
A vingt-huit ans, Nicole était grosse. Pas de cette grosseur molle et flageolante qui transforme certaines femmes en amibes monstrueuses. Non. C’était une grosseur ferme, tendue, musclée. A certains égards, son aspect évoquait une poupée gonflable qu’on aurait chargé à cinq kilos de pression. Et c’est cette grosseur même, jointe à un amour immodéré pour le Porto Flip, qui causa la mort de son mari et, paradoxalement, la déchargea de toute culpabilité – sinon de responsabilité – dans cette mort.
Lorsque Nicole avait épousé Jérôme, deux ans auparavant, elle ne pesait que cinquante kilos. Avec son mètre soixante de stature, cela en faisait une assez jolie fille, galbée aux bons endroits, un tantinet voluptueuse, apparence qu’elle cultivait avec art en ne sortant qu’en mini jupe et en adoptant une démarche chaloupée, provocante à souhait. Bref, c’était un spécimen fort appétissant pour tout mâle normalement constitué.
« Mademoiselle,
« Nous avons le plaisir de vous informer que nous avons retenu votre candidature au poste de déléguée de nos établissements auprès de… »
Gaétane repassait dans sa tête les termes de la lettre qu’elle avait reçue la veille. On l’avait sélectionnée parmi plus de deux cents candidats. Les entretiens qu’elle avait eus avec les cadres de l’entreprise s’étaient bien déroulés mais, jusqu’à hier…
Elle se savait compétente et elle se savait jolie. Mieux que jolie, attirante ! Laquelle de ces qualités lui avaient valu le poste ? Elle aimait mieux ne pas trop y penser. Plus d’une fois, c’était son charme qui l’avait tirée de situations… délicates.
L’adresse à laquelle elle devait se rendre était proche des Champs-Elysées. Elle devait changer à Châtelet…
Sur le quai du métro, autour d’elle, de nombreux touristes en bermuda. Des jeunes et des moins jeunes, garçons et filles, mais tous aussi débraillés… Ah non, pourtant… un homme avec une cravate ! Assez jeune. Le type d’homme qu’on imagine dans une multinationale.
En attendant l’arrivée de la rame, Gaétane sortit son poudrier pour vérifier une fois encore son maquillage. Elle l’avait étudié, ce maquillage. Assez adroit pour mettre en valeur l’harmonie de son visage, assez discret pour qu’on ne le remarque pas. Du grand art !





